Au coeur de l'Eden, deux rayons de lumière

L'île paradisiaque d'Ataraxie était restée loin derrière eux à présent. Pourtant, Zeratul n'avait de cesse de songer à sa rencontre avec l'Archange de l'Harmonie, là bas... Ses mots... ses gestes... ses préoccupations. Ses puissantes ailes battaient l'air machinalement, et au fond de lui, l'Archange n'espérait qu'une chose: la retrouver bientôt.

Zeratul baissa les yeux sur sa fille qu'il tenait toujours doucement mais fermement dans ses bras et qui semblait contempler le paysage immaculé qu'ils survolaient tous deux. Une grande et majestueuse Cité, toute de blanc vêtue, était maintenant enfin visible également et le regard de Heronya semblait vouloir capter le moindre détail de ce que ses yeux étaient en train de découvrir. Lorsque enfin, les contours d'une imposante porte angélique, au milieu de cette même Cité, se dessinèrent devant eux. C'était celle-ci... la porte angélique de Kimora.

- Nous sommes en train de survoler la Cité Blanche de Kimora, la Capitale angélique sur Terre où il neige souvent. Et en bas, au milieu, se trouve la porte angélique qui nous mènera en Eden. Notre dernière destination avant ta métamorphose. Tiens-toi bien à moi.

L'air se faisait froid à cette altitude mais l'Archange s'assurait constamment à ce que le froid n'atteigne pas de trop la petite Succube à plumes dans ses bras. Il plongea alors dans le vide, au milieu des flocons qui tombaient doucement et qui donnaient un aspect magique à la Cité de Kimora. Puis, une fois à quelques casomètres du sol, Zeratul se redressa soudain d'un puissant battement d'ailes et plongea droit dans le tourbillon au centre de la porte en serrant sa fille fort contre lui.



Quelques instants s'écoulèrent.

Ouvrant les yeux, Heronya se sentit bizarre. Pas comme si elle venait de traverser une porte angélique à l'ordinaire, mais plutôt comme si elle venait de se réveiller d'un long sommeil. La première chose qu'elle vit, c'était un ciel azure. Se redressant un peu, elle pu constater qu'elle avait été allongée au milieu des fleurs, dans une clairière. Face à elle, les bras croisés, se tenait son Archange de père et l'observait.

- Enfin réveillée?

Heronya fut un peu confuse et se redressa en se frottant les yeux.

- Ze ... oui...

- Très bien. Suis-moi, il y a quelque chose que je dois te montrer.

Zeratul se retourna et se dirigea vers les arbres proches au feuillage danse qui semblaient étrangement silencieux. Heronya se hâta de le rejoindre et il lui fit signe d'approcher un peu plus.

- Heronya. Dans bien des situations, nous pourrions qualifier le monde qui nous entoure comme étant séparé en deux parties principales.

Plaçant sa main dans le dos de la petite Succube à plumes, l'Archange écarta délicatement une branche au feuillage danse et invita sa fille à y jeter un oeil tout en continuant à parler.

- L'une d'elle ne sème que le mal, la souffrance, la destruction, la mort... Et c'est ainsi que nous pouvons perdre facilement quelqu'un qui nous est cher. Les représentants directs du Malin sont les Enfers, composés principalement de créatures démoniaques. Mais il n'est pas nécessaire d'en faire partie pour semer le mal.

C'est à cet instant qu'une image étrange se dévoila à Heronya à travers les branches des arbres. Elle pu y voir une petite Succube ailée, aux plumes noires, qui lui ressemblait étrangement. Ne semblant pas voir Heronya et l'Archange, la Succube à plumes noires se retourna et rejoignit en sautillant un Démon non loin ayant l'apparence d'Artéus. Heronya ne pu s'empêcher de lancer un regard surpris à son père, mais celui-ci lui répondit simplement.

- Regarde.

Etant totalement sous l'influence de la scène que Zeratul recréait pour sa fille, Heronya vit une sublime angelle qui lui était familière se diriger doucement vers Artéus et la petite Succube à plumes noires. L'angelle paraissait frêle, une aura de bonté émanant d'elle, et avait pour seule arme le violon qu'elle portait. Mais son chemin fut barré par le Démon et la Succube. C'est à cet instant qu'Heronya pu sentir le coeur de l'angelle battre la chamade ainsi que l'angoisse qui semblait la tourmenter en grandissant de plus en plus tandis que les secondes s'écoulaient.

Prise par la peur et la tristesse, l'angelle tendit doucement ses deux mains, paumes orientées vers le bas, et l'instant d'après le Démon et la Succube se mirent à dépecer les mains de l'angelle de leur peau sous le regard terrifié et inondé de larmes de la jolie créature céleste, à l'aide de leurs instruments. A cet instant précis, Heronya pu ressentir la douleur de l'angelle sur ses propres mains au contact de l'air, même si les siennes n'étaient pas écorchées. Sa douleur, ses souffrances, sa peur, son amertume... Heronya les ressentait à présent elle aussi, de la même manière que l'angelle elle-même, tandis que le Démon et l'autre Succube étaient vraisemblablement satisfaits d'eux-mêmes et se délectaient du spectacle.

L'image s'effaça soudainement, faisant disparaître la douleur intense ressentie par Heronya. Les trois silhouettes se dissipèrent pour laisser place à un autre Ange dont le visage était certainement familier à Heronya, bien enfoui dans sa mémoire et facile à ramener à la surface. Alors qu'elle le reconnaissait, un second Ange apparu près de lui, aux traits familiers lui aussi. Puis un autre vint se placer près des deux premiers... un autre... un autre encore, jusqu'à ce que tous les Anges ayant péri par la faute d'Heronya et Artéus apparaissent devant ses yeux pour la fixer d'un seul et même regard. Ils étaient nombreux… incroyablement nombreux. Et une à une, les émotions ressenties par chacune de ces créatures célestes avant leur mort, certaines plus fortes que d'autres, vinrent frapper de plein fouet Heronya alors qu'elle revivait chacun de ces meurtres, mais à travers des yeux des Anges cette fois. Une longue série de meurtres... sans doute éternelle pour la petite Succube à plumes à présent totalement terrorisée et paniquée, mais qui devait certainement comprendre un peu ses erreurs à présent...

Même si l'épreuve pouvait paraître extrême ou trop violente pour certains, l'Archange des Alliances Divines estimait qu'elle était juste et que c'était la méthode parfaite pour refaire l'éducation de sa fille, telle qu'elle devait être à l'origine. Tout ce que lui faisait voir son père n'était qu'illusion, renforcée par les souvenirs que Zeratul pouvait trouver dans la mémoire du vécu de sa fille, mais pour Heronya ces images étaient bien réelles, et peut-être trop.

Au bout de quelques instants, tout s'estompa, enfin. Et telle une délivrance, Heronya retrouva rapidement la présence rassurante de son père, près des arbres d'où aucun des deux n'avait réellement bougé.

- Voici la vie que tu as menée par le passé. Et le mal que tu as semé autour de toi. Je t'avais parlé de deux parties principales, n'est-ce pas? Je t'ai montré le mal, celui que tu propageais. Mais il y a aussi le bien, l'espoir, la joie, l’amitié et l'harmonie. Ce sont là des choses que sèment les Anges, en général, aidés par d'autres créatures qui se joignent à eux et qui désirent être porteuses du bien elles aussi. Pour un avenir meilleur, lumineux et joyeux... loin de la douleur et des souffrances.

Que préfères-tu, Heronya?

Voudrais-tu retourner à ton ancienne vie et continuer à propager le mal partout autour de toi? Continuer à briser des vies? Ou préférerais-tu rester avec moi, dans la lumière, et découvrir le bien dans ce monde?

Avant que tu ne fasses ton choix, je me dois de te prévenir.

Rester avec moi signifie aussi couper tout lien avec tous ceux que tu as pu connaître auparavant et qui sont restés de l'autre côté. Comme c’est le cas de Shalaca. Elle ne devra représenter plus rien pour toi et il te faudra l’oublier pour l’instant. Si tu n’y parviens pas, je le ferai pour toi. En revanche, tu pourras naturellement continuer à voir d'autres qui sont venus vers la lumière, comme Hildegarde par exemple.

Et à présent, que décides-tu?

Les bras noués autour du cou de son papa, Heronya se tournait dans tous les sens pour pouvoir admirer le paysage défilant sous eux. Jamais encore elle n’avait volé si haut, ni si longtemps et surtout, elle n’était jamais encore venue dans cette partie de la terre. Quand la porte apparut devant eux. Elle était semblable à celles qu’elle avait déjà passé mais pourtant elle était différente, peut-être était-ce le fait de la voir de si haut ou était-elle vraiment plus grande, ou peut-être était-ce toute cette neige qui tombait ?
Elle resserra encore plus ses petits bras, ferma les yeux et ne pu empêcher un petit cri perçant de lui échapper quand ils piquèrent à toute vitesse vers le tourbillon bleuté …

… Et elle rouvrit les yeux, allongée dans un champ de fleurs colorées et parfumées. Elle le suivit alors, l’écoutant avec attention.

Toutes les images que son père lui avait fait revoir dansaient dans sa tête … Bien sûr qu’elle se rappelait de tout cela. Tous ces anges … Heronya se raidit et serra les dents sous la douleur qu’elle ressentait. Elle ne crierait pas, elle avait apprit depuis bien longtemps à résister à la douleur mais elle ne put empêcher une larme de couler le long de sa joue en regardant l’angelle au violon, Ethelsiah. Elle lui avait pardonné pourtant depuis, alors pourquoi lui en vouloir encore ?

Ethelsiah n’est pas fâchée contre moi, elle a même prié pour moi.

Elle avait crié plus fort qu’elle ne l’aurait voulu …

Elle ne m’en veut pas de lui avoir fait mal, elle voulait même être ma maman … Et puis les autres s’était pour m‘entraîner …

Elle se mordit les lèvres. Arteus … Il lui manquait souvent, elle n’avait vraiment jamais eu que lui pour s’occuper d’elle et elle ne l’avait plus jamais revu depuis que les humains l’avaient tué. Il prenait soin d’elle, il lui apprenait plein de choses …
Elle passa machinalement son doigt sur la ligne légèrement plus foncée et presque invisible maintenant, qui traversait sa joue.

Ze … Ze n’ai pas appris tout ça rien que pour faire mal, ze sais aussi réparer les corps blessés … comme ça. C’est Arty qui m’a recousue quand les méchants m’ont frappée. Ze sais aussi faire ça grâce à lui. Et fallait que ze m’entraîne pour ça …

Elle lui tourna le dos et renifla discrètement. Elle lui en voulait un peu de lui avoir fait mal mais tellement de choses tournaient dans son petit esprit …
Retourner d’où elle venait … et pourquoi faire ? Elle n’y avait plus personne, si Arty avait du venir la rechercher il serait déjà venu. Elle regarda le décor calme et lumineux autour d’elle et elle se sentit en paix, comme « chez elle ». Et si elle était vraiment chez elle ici ? Elle se retourna vers son archange de père et le regarda longuement, la tête inclinée sur le coté, songeuse.

Ze reste …
Est-ce que z’aurai enfin une vrai famille maintenant ? Avec toi, Katèr et … maman ?

L'Archange des Alliances Divines observa la petite créature à ses côtés sans broncher.

- Concernant Ethelsiah... C'est grâce à ses mains qu'elle parvient à produire une aussi belle musique. Ses mains qu'Artéus et toi avez gâchées pour votre seul plaisir. Ce n'est pas tellement la douleur ressentie par Ethelsiah qui l'a rendue la plus triste. Mais bien l'acte monstrueux d'un Démon et d'une enfant. Pourtant, comme tu l'as dit elle est toujours restée bonne envers toi.

N'est-ce pas là la preuve incontestable de son infinie bonté et du bien qu'elle répand autour d'elle? Vois-tu à présent l'immense différence entre elle et toi?

Certes, elle ne t'en veut pas... Mais toi? T'en veux-tu pour lui avoir fait tant de mal?

Plissant les yeux, Zeratul paraissait dur. Mais il fallait qu'elle comprenne. Il fallait qu'elle réalise la moindre de ses erreurs avant d'espérer pouvoir aller plus loin et tout recommencer, tant qu'il était encore temps...

- Peut-être as-tu fini par apprendre quelque chose... d'utile. Mais ceci reste tout de même inacceptable. Au prix de combien de vies as-tu terminé ton... "entraînement"? Toutes ces vies que tu as regardé s'éteindre. Et tu sais à présent exactement ce qu'ont ressenti ces Anges au moment de leur mort, puisque tu viens de vivre chacune d’elles.

Ce que tu as fait est mal, Heronya. En réalité, il s'agit là des pires choses que tu n’aies jamais pu commettre au cours de ton existence. Tu devras donc également oublier tout ce que ces meurtres ont pu t'apporter... et ne plus jamais recommencer.

Un seul faux pas de ta part suffira pour te renvoyer à ton ancienne vie, et si tu fautes à nouveau, je ne pourrai probablement plus t'aider comme je le fais aujourd’hui. Ne l'oublie jamais!

Lorsque ta métamorphose aura eu lieu, toutes traces de ton ancienne vie seront effacées. Y compris ton "savoir-faire". Tu verras le monde d'une toute autre manière et tu n'auras plus rien de démoniaque. Il y a des méthodes bien moins maléfiques et barbares lorsque l'on souhaite soigner quelqu'un. Souviens-toi lorsque tu as été blessée dans la poitrine.

Son regard se faisait toujours aussi dur lorsqu'il la regardait. Il ferait le nécessaire pour que la Rédemption de cette Succube soit un succès absolu, avec ou sans l'aide d'Erin. Il se l'était promis.

- Avant d'aller plus loin, tu dois avoir compris tout ceci.

Quant à avoir une famille... Tu pourras naturellement vivre avec Katèr et moi. Concernant ta mère... tu pourras la voir si tu le souhaites, et si tu parviens à lui pardonner sa folie. Je ne m’y opposerai guère. En revanche, j'ai longuement réfléchi et j’ai finalement décidé de ne plus vivre avec ta mère à l'avenir. Et je ne retournerai donc pas auprès d'elle. Entre ta mère et moi, c'est déjà terminé, Heronya. Tu es celle qui compte à mes yeux à présent. Et je souhaite que tu ne me déçoives pas.

Es-tu prête à présent? As-tu bien compris pourquoi tout ce que tu faisais est mal, pourquoi ta vie avant que nos routes ne se rejoignent à nouveau a été un échec?

Es-tu bien sûre de vouloir rester avec moi et accepter tout ce que cela implique?

Ce n'est qu'à ce moment que le regard bleu de l'Archange s'adouci quelque peu. Zeratul se voulait dur, mais l'affection qu'il portait à sa fille était tout de même perceptible par moment, même lors d'un événement aussi important et déterminant que l'était sa Rédemption.

Heronya baissa la tête et ne répondit pas de suite.
Bien sûr elle était triste que Ethelsiah ne pouvait plus faire de la si jolie musique après … Est-ce que c’était ça qu’il voulait entendre ? Elle ne comprenait pas encore trop bien la limite entre le bien et le mal … Ce qu’elle faisait avec Arty, pour lui c’était bien mais pour son papa c’était mal. Est-ce que ce qu’elle faisait maintenant et que son papa trouvait bien, Arty le trouverait mal ?
Elle leva alors les yeux et le regarda, la bouche ouverte sur une question qu’elle ne savait comment formuler puis referma la bouche sans rien dire.

« Toutes traces de ton ancienne vie seront effacées » avait-il dit … Elle repassa en revue sa « longue » petite vie. Depuis sa maman qui était devenue ange, Azael qui était devenu ange aussi, puis tatie Hildy aussi il venait de dire … A part Arty, tous ceux qu’elle avait connu étaient devenu des anges, alors pourquoi elle pourrait pas aussi ? Puis si elle comprenait pas encore vraiment tout, son papa l’y aiderait.

Ze crois … que z’ai compris …
Mais pourquoi tu veux plus vivre avec maman ? Z’aurai … z’aurai aimer une vraie famille …

Elle croisa enfin le regard bleu de l’archange, plus doux, moins sévère.

Oui, ze reste avec toi.

L'Archange sembla se détendre un instant mais repris son air impassible celui d'après, continuant d'observer sa fille. Il ne lui répondit pas lorsqu'elle l'interrogea sur sa séparation avec Cybella et se contenta de se diriger vers l'autre bout de la clairière.

- Viens avec moi.

Il traversa la clairière avec Heronya, lorsqu'ils se retrouvèrent devant ce que semblait chercher Zeratul: un tout petit lac d'eau cristalline et pure. A regarder sa taille, on aurait pu croire que c'était plus un bassin conçu spécialement pour quelqu'un comme Heronya.

Le lac était telle une perle brillante et précieuse au milieu des jardins paradisiaques. L'eau fraîche qui le composait semblait se faire caresses sur la peau et provoquait des frissons agréables au contact de celle-ci.

- Très bien. A présent, déshabille-toi et entre dans l'eau.

Croisant les bras sur son torse, Zeratul attendit que sa fille s'exécute. Voyant qu'elle l'interrogeait du regard, l'Archange su lire dans ses yeux et secoua la tête doucement en rajoutant.

- Non, je ne viendrai pas. Tu dois y entrer seule.

Il ne lui répondait qu’à moitié mais comme il ne semblait pas décidé à en dire plus, elle le suivit sans rien dire, elle trouverait le moment pour l’interroger encore et savoir ce qu’elle voulait savoir. Mais son sourire s’agrandit au fur et à mesure qu’ils approchaient du petit lac, il se changea toute fois en une petite moue boudeuse quand elle comprit qu’il ne viendrait pas jouer avec elle.

« Déshabille-toi et entre dans l'eau » … Elle le regarda de ses grands yeux bleus, un peu offusquée, puis regarda autour d’elle … pas de buissons grands assez …
Elle se planta devant lui, les poings sur les hanches.

Me déshabiller ? Ici ? Devant tout le monde ? Ah non !

Elle regarda à nouveau autour d’elle … d’accord, il n’y avait qu’eux … mais on ne savait jamais si quelqu’un n’allait pas arriver …

Bin alors … au moins, retourne-toi !
Et tu triches pas hein !

Son père s’étant exécuter, elle enleva très vite sa robe qu’elle lui lança sur l’épaule et courut se plonger dans l’eau jusqu’au cou.

Ça va ! Tu peux te retourner …

Ainsi donc, le moment était enfin venu. Le rituel aurait lieu ici. Bien...

Déposant la robe de sa fille dans l'herbe, Zeratul fit quelques pas lents en avant et s'approcha de l'eau avant de s'immobiliser face à la Succube à plumes dénudée pour la contempler... même si elle ne semblait pas se rendre compte que l’eau était entièrement transparente. L'expression sur le visage de l’Archange n'avait pas changé. Comme à son habitude, il prenait son devoir d'Ange toujours très au sérieux.

- Bien. Je vais à présent commencer le rituel de ta métamorphose en créature purement angélique. Une fois celle-ci accomplie, tu deviendras toute autre. Mais surtout, ton essence sera la même que la mienne, celle d'une véritable créature divine.

Détends-toi.

Cependant, tandis que l'Archange s'accroupissait doucement et tendait la main pour la poser sur la surface de l'eau et y introduire ainsi sa propre énergie, quelque chose d'étrange se produit et le fit s'arrêter dans son geste à mi-chemin et s'immobiliser, fronçant les sourcils. Sa main était restée suspendue, au dessus de la surface de l'eau, sans la toucher. Avant que sa main n’eût effleuré celle-ci, l'eau s'était déjà mise en mouvement d'elle-même, visiblement parcourue par une énergie spirituelle autre que celle de Zeratul.

Stupéfait, l'Archange leva les yeux pour fixer sa fille et se redressa lentement. L'eau autour de Heronya était déjà agitée. Pourtant, Zeratul n'avait rien fait. Si ce n'était pas lui, alors que se passait-il?

Tandis qu'il s'interrogeait, une voix douce et mélodieuse vint résonner dans son esprit, en réponse à ses questions.

"Je t'ai dit que tu pouvais évidemment compter sur moi..."

Cette voix...

"... et je serais même ravie de t'apporter mon aide. Quand le moment sera venu alors je t'y aiderai, bien entendu... du mieux possible... je t'en fais la promesse."

C'était la sienne. Oui, il était impossible que Zeratul la confonde avec une autre. Cette douce et mélodieuse voix qui s'était introduite dans son esprit appartenait à...

- Erin...

Aussitôt qu'il avait prononcé son nom, un doux sourire prit place sur le visage de l'Archange, tandis qu'un léger vent se levait pour se faire caresses sur sa peau, effleurant son visage, ses longs cheveux blancs, son cou, de manière apaisante et sans doute harmonieuse. Cette sensation... c'était comme s'il sentait les doigts fins d'Erin sur lui. Puis, ses mains sur ses épaules, délicates et réconfortantes comme à leur habitude. Oui... Il pouvait sentir sa présence à cet instant, même si celle-ci se faisait quelque peu lointaine.

Erin... elle avait donc tenu sa promesse en fin de compte. Zeratul avait eu tort de douter ne serait-ce qu'une seconde d'elle et de penser qu'elle ne viendrait pas. Sa mélodieuse voix résonnait encore et encore dans l’esprit de l’Archange, lui rappelant ses paroles et la promesse qu’elle lui avait faite clairement.

"Je te l'ai déjà dit, non ? Tu n'as aucune raison d'être inquiet. Je t'aiderai quoiqu'il arrive. Il s'agit de quelque chose que je me suis moi-même promise. Ta fille vivra pleinement dans la lumière."

Oui, c'étaient ses propres mots... Il s'en souvenait. Hochant la tête doucement, Zeratul recula alors d'un pas et laissa faire sa consoeur. L'eau autour de Heronya sembla se solidifier peu à peu, tout en restant liquide et cristalline, jusqu'à former une sphère aqueuse, "creuse" et complexe, à l'intérieur de laquelle se trouvait à présent la petite Succube, dénudée. L'instant d'après, la sphère renfermant Heronya remonta d'elle-même et se mit à flotter à la surface de l'eau, au centre du petit lac, rendant ainsi la petite Succube à plumes parfaitement visible à l'intérieur. Sortir de cette sphère faite d'eau semblait impossible. Elle n'avait donc autre choix que d'attendre la fin du rituel sous le regard calme de son père.

La sphère aqueuse, en équilibre parfait à la surface de l'eau, sembla alors parcourue par des vibrations, des sortes de cercles réguliers qui se déplaçaient à la surface sphérique, comme lorsqu'on jetait un caillou dans un lac. Et rapidement, elle commença à se remplir d'eau à l'intérieur, sans pour autant laisser d'échappements, forçant Heronya à retenir sa respiration quelques instants. Une fois entièrement pleine, une intense lumière naquit au centre de la sphère et l'inonda entièrement en seulement un instant, provoquant un puissant mouvement d'eau à l'intérieur de la sphère aqueuse que la lumière avait rendue presque aveuglante, faisant tourner la petite Succube à l'intérieur dans tous les sens et à toute vitesse.

Un fin sourire prit place sur le visage de Zeratul alors qu'il murmurait doucement.

- Merci, Erin. Je n'oublierai jamais.



La petite ouvrit les yeux, allongée près du lac et quelque peu désorientée, et au bout d'un court instant elle reconnu les traits familiers de son père au dessus d'elle. Elle avait retrouvé la robe qu'elle avait quittée quelques temps auparavant, qui elle n'avait en rien changée. En revanche, Heronya se sentait...

- Te voici désormais une créature angélique à part entière, non seulement physiquement mais aussi au plus profond de toi. Tes instincts démoniaques sont effacés. Et avec eux, tout ce que tu as pu apprendre aux côtés du mal... y compris les enseignements pervertis d'Artéus. En revanche, tu as été dotée d'un nouveau pouvoir que tu découvriras par toi-même lorsque tu auras à l’utiliser.

Etant donné que la petite était restée immobile et muette, il se pencha légèrement vers elle et lui tendit la main pour l'aider à se relever. Puis, adressant un sourire à sa fille, Zeratul l’observa un instant et expliqua tout en reprenant son air sérieux.

- Heronya... c'est le nom que tu as porté depuis ta venue au monde et jusqu'à présent. Un nom qui t'a été donné dans le but de tromper, de faire taire la vérité, de te séparer de moi à jamais. Un nom associé au mensonge, à la tromperie, à la fourberie. Un nom que tu n'as plus besoin de porter, et qui n'a plus de raison d'être maintenant que la vérité est connue de tous.

C'est la raison pour laquelle, je te donnerai un nouveau nom. Un nom véritable, uniquement pour toi. Et ce sera aussi l'élément qui complétera ta métamorphose.

A partir de maintenant, ton unique nom sera...

Le regard bleu de l'Archange pénétra alors dans celui de sa fille, tandis qu'il se rappelait avec précision sa dernière rencontre avec Erin. Il le lui avait promis. Sa fille serait porteuse de son nom, et du sien. A son tour de tenir sa promesse à présent.

Doucement, la main de Zeratul vint se placer sur le front de la petite créature angélique et il acheva sa phrase dans un souffle, un fin sourire visible sur ses lèvres.

- ... Zerine.

Sois la bienvenue parmi les tiens.

Heronya regarda l’eau translucide et pure bouger autour d’elle, d’abord avec amusement, puis avec un peu d’inquiétude alors qu’elle formait comme une bulle transparente tout autour d’elle. L’eau montait dans la bulle … toujours plus haut … Elle commença à avoir vraiment peur, surtout quand elle se remplit alors d’une lumière aveuglante.
Elle ferma la bouche, les yeux et se pinça le nez … Et c’est alors que la voix se fit entendre, forte, puissante mais pourtant douce et rassurante.

N’aie pas peur, petite … Tu es Heronya, n’est-ce pas ?

Elle agita la tête, elle aurait voulu répondre mais … puis à court d’air, elle ne put s’empêcher d’ouvrir la bouche, s’attendant à avaler plein d’eau … mais rien ne se passa. Elle ouvrit alors les yeux et regarda la lumière étrangement brillante, mais pas aveuglante.

Tu … t’es qui ?

Je suis la Lumière, la Voie que tu vas suivre désormais. Je suis heureux que tu aies fait le bon choix et qu’enfin tu retrouves la place qui est tienne à mes cotés.
Tu devras maintenant écouter ton papa et lui obéir en toutes choses. Tu ne devras plus agir en faisant de mauvaises choses et toujours servir le Bien. As-tu compris tout cela ?

Ze … ze crois oui … papa m’a tout esspliqué dézà.

Bien. Alors, va le rejoindre maintenant.

La bulle explosa comme une bulle de savon … et Heronya se réveilla, toute habillée et toute sèche, allongée dans l’herbe tendre aux cotés de l’archange.
Se redressant sur les coudes, elle l’écouta sans rien dire, hocha simplement la tête. Elle se sentait bizarre, toujours la même mais pourtant différente. Elle se sentait légère, comme encore dans sa bulle, ou plutôt comme sur un petit nuage. Elle regarda vers le petit lac redevenu calme et, à quatre pattes, se pencha au-dessus, s’y regardant comme dans un miroir. Rien n’avait changé … si … doucement elle passa son doigt sur sa joue où aurait du se trouver la légère cicatrice et qui avait disparut … Elle se trouvait plus … jolie, plus … lumineuse, comme si elle était éclairée en-dedans.

Un petit « plic » se fit entendre, troublant la surface de l’eau … puis un second, et un autre encore, avant qu’elle ne se rende compte que c’étaient des larmes coulant toutes seules de ses grands yeux. Larmes de joie, larmes de soulagement … Elle se releva d’un bond et sauta se réfugier dans les bras de son papa, pleurant maintenant comme elle n’avait jamais encore pleurer. Puis quelques petits éclats de rire se mêlèrent aux sanglots et enfin elle se calma, regardant enfin son père avec un sourire mouillé mais radieux.

C’est … Elle renifla. C’est zoli … Zerine !

[hrp : Zerine Attention, c'est pas bien bien de baver sur sa fille toute nue XD *sbaff* aîe /hrp]

Edit Zeratul: Attention, tu as le sujet "Commentaires" pour ça. La chronique n'est pas encore terminée.

Et c'est pas sur sa fille qu'il bave... ^^.

« A partir de maintenant, je ne serai pour toi que le père de notre fille.
Tu es libre... »

Les derniers mots de celui qu’elle aimait tournaient inlassablement dans son esprit …
Ainsi donc, le sort en était jeté … tout était fini et il n’y aurait pas de combats en Valone contre les démons … elle était donc « libre » de partir, partir en abandonnant encore derrière elle l’un de ses enfants … Katèr, qu’elle avait laissé en larmes aux portes du camp … elle ne serait jamais rien d’autre qu’une mère indigne, sans doute était-ce mieux qu’elle n’ait jamais porté d’autres enfants.

Ses longues ailes de peau sombre déployées, la pénitente, tel un oiseau de proie, survolait la terre ne sachant trop quelle direction prendre, quel lieu rejoindre. Elle n’avait maintenant plus personne à rejoindre, nul lieu où on l’attendait, quand ses yeux sombres, soulignés de cernes mauves, se levèrent vers l’île suspendue d’Ataraxie, accrochée entre ciel et terre.
Là-bas, peut-être, pourrait-elle enfin trouver un peu de paix … Peut-être aussi, de loin et discrète, pourrait-elle assister à la cérémonie de rédemption de Heronya à laquelle elle n’avait même pas été conviée …

Soudain, sans que rien ne laisse prévoir le moindre orage, un violent coup de tonnerre fit trembler l’horizon alors qu’un éclair d’une blancheur aveuglante traversait le ciel.
Cybella poussa un hurlement de douleur tandis qu’une flèche enflammée semblait la transpercer de part en part, mettant le feu à ses ailes.
Tel un grand oiseau blessé, elle piqua vers le sol, la douleur l’empêchant de battre des ailes, elle s’y écrasa lourdement. Evanouie, elle resta ainsi, couchée sur le ventre, ses longues ailes brûlées, étalées de part et d’autre d’elle, ne formaient plus maintenant qu’une carcasse décharnée et noircie tel le reflet d’un arbre aux branches consumées.

Cybella ne put dire, en revenant à elle, depuis combien de temps elle était allongée là. La douleur était toujours présente, une brûlure terrible lui torturant le dos …
Elle se redressa un peu sur les coudes, tournant la tête vers ce qu’il restait de ses pauvres ailes … puis se releva sur les genoux …
Le cri qu’elle laissa échapper était plus du à la peur qu’a la douleur … ses ailes … consumées … n’avaient pas seulement laisser leurs traces sur le sol, mais elles s’étaient dissociées de son dos et, en bougeant, elles tombèrent en une fine poussière noire …

Elle tourna la tête à gauche … à droite … bravant la douleur afin de tenter de les voir, pensant les sentir, toujours présentes, essayant de les faire battre … passant une main dans son dos … tâtant … cherchant … mais ne rencontrant que le vide et deux plaies béantes et sanguinolentes là où elles auraient du se rattacher à elle …
Un hurlement de détresse troua le silence.

POURQUOI ? Pourquoi ? Tu m’as tout pris déjà, pourquoi me prendre aussi mes ailes maintenant ? N’ai-je pas encore assez donné ? N’ai-je pas encore assez souffert ?

Elle fut baignée soudain d’une lumière blanche, puissante et aveuglante, la douleur se faisant plus vive dans son dos, alors qu’une nouvelle fois, ses chairs s’ouvraient, se déchiraient comme sous l’effet de lames acérées. Une lumière brûlante s’engouffra dans les plaies, se répandant dans son être, la dévorant, semblant la détruire et la remodeler de l’intérieur.

Elle tomba en avant, le front contre le sol et hurla jusqu’à ce que la douleur s’apaise enfin un peu.
Elle se redressa alors lentement, n’osant faire de mouvements brusques sous la cuisante brûlure de son dos. Mais, l’ombre qui se dessina sur le sol, devant elle, la laissa sans voix.

Son ombre … l’ombre que formait son corps … et ces ailes … grandes ouvertes comme séchant au soleil … ces grandes et majestueuses ailes … de plumes !

Elle se redressa, tourna la tête et les étira vers l’avant, les faisant battre … Elles étaient belles ! Douces et lumineuses ! D’un blanc immaculé …
Regardant ses mains, son corps à la peau plus fine et plus pâle, elle semblait briller d’une lumière intérieure, d’une aura nouvelle, plus blanche et plus pure encore que jamais …

Le premier moment de surprise passé, elle retomba à genoux et leva les yeux vers la lumière.

Pourquoi ?

Pourquoi maintenant ? Il est trop tard … bien trop tard.
C’était avec lui que je voulais partager cet instant, je voulais que ce soit un moment de bonheur, la consécration de toute cette longue période de rédemption … et c’est un moment de douleur et de tristesse que je vis seule, loin de celui à qui je dois tout et que j’aime …

Il est trop tard, beaucoup trop tard …

« Il n’est pas trop tard, il est l’heure.
L’âme innocente de l’enfant a enfin rejoint la place qui était la sienne à mes cotés. Quand à Zeratul, il a fait ce qu’il avait à faire, il t’a apporté la lumière et t’a guidée sur le long chemin de cette rédemption. Il est temps pour lui de se consacrer à d’autres âmes. »

Son devoir ? Alors il n’a fait que ça, faire son devoir ?
Tout ce que nous avons partagé … tout ce que nous avons vécu, ce n’était donc que son devoir ? J’ai tout sacrifié pour lui et maintenant je me retrouve seule, sans rien …
Je n’étais donc pour lui qu’une pauvre créature stupide à sauver … une « vulgaire proie » facile à voler aux Enfers ?

« Cybella ! Nulle créature, même la plus sombre, n’est pour moi une « vulgaire proie » mais bien un enfant égaré à ramener sur le chemin de la Lumière.
Tu as gagné ta rédemption, tes ailes de plumes blanches et ce corps à nouveau purifié, ainsi que ta place à mes cotés ! N’est-ce donc rien à tes yeux ? »

Ma place ? Je n’ai plus de place sans lui.
J’ai renoncé à tout pour lui, ce moment irremplaçable qu’aurait du être la naissance de notre bébé, être ensemble pour la voir grandir, être ensemble pour partager cet instant où j’avais enfin mes ailes blanches …
Être ensemble pour voir notre enfant enfin nous rejoindre … Je n’ai même pas pu la voir au moment où la Lumière l’atteignait enfin …

J’ai tout perdu … même son amour.

Je ne veux pas de ces ailes !

« Pour lui ? N’est-ce pas pour MOI que tu devais renoncer à tout cela ?
Cybella, cet amour que vous avez partagé est ta force, la preuve que tout est possible.
Prends garde, car tes paroles risquent de te mener à la déchéance ! Est-ce ce que tu veux, voir ces ailes enfin obtenues devenir noires avant même qu’elles ne voient le jour ? »

Quelle importance …
Plus rien n’a d’importance maintenant …

« Ton combat pour que la Lumière triomphe doit seul avoir de l’importance !
Relève-toi et viens vers moi, entre cette fois dans mon royaume comme un ange véritable où renonces maintenant et laisse-toi glisser vers ta perte, inexorablement et sans espoir de retour. »

Cybella leva la tête … la lumière traçait comme un chemin devant elle. Il lui suffisait d’ouvrir grand ses ailes de plumes blanches et de suivre la voie … Cette voie qu’elle ne voulait prendre qu’en tenant la main de Zeratul …

D’un geste lent, elle sorti son manteau de pénitente de son sac, replia soigneusement ses longues ailes dans son dos, ignorant la douleur encore présente, et les dissimula sous les plis de la cape blanche. Elle tira sa capuche, dissimulant la moitié de son visage et sa nouvelle aura lumineuse du mieux qu’elle le pouvait.

Non … pas sans lui à mes cotés.
Ces ailes … elles ne me serviront plus !
Nul ne les verra avant lui et s’il faut que je continue mon existence sans plus quitter le sol, tel un simple humain … alors telle sera mon existence … vide et solitaire …

« N’abuse pas de ma patience, Cybella, prend garde à tes actes à partir de cet instant. Tu peux retomber bien plus vite que tu n’es arrivée à moi !

Je te laisse le temps d’apaiser la douleur de ton cœur car tu es maintenant l’Aube Divine, tu possèdes en toi la Lumière. Sens-la, cette petite Lumière que Zeratul a mise en toi jadis ! Sens ce que tu as fait d’elle, sens comme elle est devenue forte, comme elle veut jaillir de ton être et illuminer leur nuit !
Ton devoir est de la porter et de la répandre dans les ténèbres afin de les faire reculer toujours plus loin, afin de faire partager aux âmes perdues les bienfaits qui t’ont été offerts. Fais-en bon usage, tu es l’Aube de leurs ténèbres, l’espoir de leurs détresses ! »

Un puissant coup de tonnerre fit trembler le sol et la lumière disparut, la plongeant dans une nuit glacée et solitaire …

Lentement, elle se mit en marche … marcher … c’est dorénavant tout ce qu’il lui restait à faire, elle qui avait vu ses ailes puissantes devenir plus puissantes encore pour pouvoir servir le G.A.R.D.E., n’avait maintenant plus rien de cette vitesse qui était sienne. Elle avançait donc lentement, courbée sous la douleur encore tenace de son dos, vers l’aura douce et attirante qui se dégageait du passage qu’elle savait proche et qui la mènerait en Eden, d’où elle pourrait se rendre sur Ataraxie …

- « Montre-la moiiiiiii ! Diiiiiis ! Steuuuuuplait ! »

Zerine avait reconnu le Faucon de l’Archange et sautait maintenant autour de sa mère, essayant de savoir ce que contenait son message.
Cybella, le bras tenant le parchemin levé bien haut, sourit à l’enfant, la laissant tourner un peu avant de lui répondre, d’une voix douce.

- « Il demande que nous le retrouvions au lieu de rassemblement du G.A.R.D.E. »
- « On y va diiiiiiis ? On y va ? »
- « Oui … »

Cybella baissa finalement le bras et lui tendit le message. La petite s’en saisit et s’installa sur l’herbe, tentant de déchiffrer l’écriture fine et régulière de son père.
Cybella la regarda un moment puis son esprit partit dans le temps …
Repartir … le revoir … y arriverait-elle ?
Elle resserra autour d’elle son long manteau et s’assit aux cotés de sa fille. Les choses avaient bien changés entre elles depuis leurs récentes retrouvailles, elles avaient beaucoup parlé ensemble mais aussi avec Erin qui avait accompagné un certain temps leur route.

* * *

Elle se revit entrer, se traîner plutôt, en Eden, épuisée et désespérée par tant d’évènements douloureux, cachant ses nouvelles ailes et son aura plus lumineuse sous son manteau …
Elle tentait de rejoindre l’île d’Ataraxie quand l’appel lui parvint : des démons foulaient le sol sacré !
Ils étaient loin, à l’autre bout de l’Eden … elle devait marcher, vite, en oubliant sa tristesse. Quelques-uns étaient déjà tombés mais ils fallait faire vite, on ne pouvait les laisser ainsi souiller le Sanctuaire.
Elle retrouva en chemin le jeune Enigmo, filleul de son collègue ScarniX, et à eux deux ils passèrent rapidement à l’attaque. Les combats furent rapides mais cela occupa son esprit à d’autres choses jusqu’à ce qu’elle aperçoive le général Taronaz. Elle ignorait s’il savait quelque chose mais elle n’avait aucune envie de croiser la route du frère de Zeratul, subir son regard inquisiteur et peut-être ses questions et ses sarcasmes, elle attaqua donc rapidement puis recula à l’abri du petit bois, là où il ne pourrait pas la voir. Et où surtout, elle ne pourrait croisé son regard si semblable à celui de son aimé.

C’est là que, les combats finis, elle retrouva l’ancienne Archange de l’Harmonie. Erin … Elle n’avait pas vraiment changé, sa douceur et sa gentillesse étaient toujours bien présentes et de suite, elle s’évertua à consoler l’ancienne pénitente, et à la secouer surtout.
Elle avait beau gémir et pleurer … vouloir mourir plutôt que de vivre sans lui … Après l’avoir écoutée, la voix de l’ancienne Archange, bien que toujours aussi douce, se fit plus ferme, plus persuasive encore.

- « Je suis perdue sans lui ... je n'ai plus rien, je ne suis plus rien ...
Je ne peux exister sans lui, je … je l’aime de trop … s’il me reprend son amour que me reste t-il ? »
- « C'est faux. Tu n'es pas rien. Je t'ai connue plus combative, Cybella. » Lui lança t-elle du voix ferme. « Tu as été acceptée au sein de l'Assemblée, je t'ai même élevée au rang des grands de notre nation. Zeratul n'est pas ta seule source de Lumière ... La Lumière est en toi !
Cybella ... réveille-toi, bon sang ! Crois-tu qu'il pourrait aimer une femme qui vit dans la peine et le chagrin ? Montre-lui qui tu es ! Belle et combative ! Il ne pourra se soustraire à ce qui émane de toi, tout Archange qu'il soit. »
- « Il m'a tout appris, il m'a appris à l'aimer mais ... il ne m'a pas appris à ne plus l'aimer ... ça fait si mal. »
- « Il faut parfois apprendre par soi-même... et tu n'es pas seule. Je suis là, moi. » Elle lui sourit enfin, d'un air rassurant.
« Il faut savoir tomber pour mieux se relever ... tu dois profiter de cette épreuve pour en ressortir plus forte. Tu en es capable ... »

D’un geste protecteur et maternel, Erin entoura de son bras, les épaules de Cybella et l’attira contre son épaule. Elles restèrent ainsi un long moment, profitant de cette douce fin de journée édenique quand une voix enfantine se fit entendre dans le lointain …


- « Aaaaalouetteuh, zentilll’alouetteuh. Aaaaaaalouetteuh ze te plumerèèèèèè ! Aaaaaaaalouetteuh … »

Elles se redressèrent, se regardant un instant, la même pensée traversant leur esprit jusqu’à ce que la chanson s’arrête et que la petite voix se mette à parler.

- « Bonzour madame Erin ! Ma … maman ? »

La mère et la fille restèrent un instant interdites, se regardant tandis qu’Erin saluait l’enfant et engageait la conversation.
Cybella la regardait, ne sachant que faire, ne sachant comment aborder sa propre fille. Quand un imprévu vint troubler leurs retrouvailles. Gabriel ! Ce Fléau traître venait d’agresser Cybella … Revenues de cet instant de surprise, les trois femelles se lancèrent à la poursuit de l’assaillant mais ce dernier préféra fuir par la porte la plus proche plutôt que d’affronter son châtiment.

Revenant vers sa fille, restée un peu en retrait, Cybella ne retrouva plus Erin … Cette dernière avait pris un autre chemin ou … peut-être avait-elle préféré s’éloigner, laissant la mère et la fille en tête à tête ?
Elle s’assit sur le sol pour souffler un peu … La petite l’imitant tout en posant un regard étrange sur elle, un regard entre curiosité et gêne …

- « Heronya, je … »
- « NON ! » Coupa l’enfant, en agitant la tête de gauche à droite. « Ze m’appelle Zerine ! Papa a dit ! »

Elle la regardait avec un petit éclat de défi dans le regard et le menton relevé fièrement.
Zerine ! Cybella la regarda d’abord un peu surprise puis lui sourit doucement, constatant tous les changements qui s’étaient opérés en sa fille.

- « Zerine … C’est très joli, il a très bien choisi, ce nom te va très bien.
Et toi aussi tu es très jolie, tu sais. »
- « Oui, ze sais. »
- « J’aurais voulu … je suis désolée d’avoir manqué ce beau jour pour toi … »
- « Tu as manqué pleins des autres de zours. »

Une douleur lui traversa la poitrine. Bien sûr qu’elle avait manqué plein de choses, les plus belles qu’elle ne retrouverait jamais, quoi qu’il arrive.

- « Je suis désolée … »

Zerine haussa les épaules et roula dans l’herbe, s’allongeant sur le ventre et jouant avec une brindille.
Cybella la regarda longuement, ne sachant quoi dire ni quoi faire, quand la petite roula à nouveau sur elle-même, se retrouvant sur le dos.

- « Tu crois qu’on va devoir attendre longtemps ? »
- « Attendre ? Mais qu’attends-tu donc. »
- « Bin … papa tiens ! Pas toi ? »
- « Papa ? Tu veux dire qu’il va venir … ici ? »
- « Hum hum.
Il m’a dit de rester en Eden et de me promener en attendant qu’il vienne me chercher. »

Cybella soupira … Il faudrait de toute façon que cet instant, où ils se retrouveraient tous les deux, arrive.

- « Oui … bien sûr.
Zerine, je voudrais savoir … tout ce temps que tu as vécu loin de nous … voudrais-tu en parler ? »
- « C’est fini maintenant. »
- « Oui mais … voudrais-tu savoir certaines choses, voudrais-tu me dire certaines choses ? »

La chérubine resta un moment silencieuse, les bras repliés sous la tête, suivant du regard les quelques rares nuages blancs traversant le ciel si bleu de l’Eden.

- « C’est la première fois que ze peux rester comme ça ici. Les autres fois, tout le monde me chassait. »
- « C’est parce que maintenant tu es un véritable petit angelot. »
- « Et avant, z’étais quoi ? »
- « Avant … Avant, par ma faute, tu n’as pas pu être reconnue pour ce que tu étais vraiment. »
- « Pourquoi ? »
- « Parce que j’ai commis une faute et que je n’ai pas voulu que cette faute fasse du tort à ton papa. Alors j’ai dû te cacher parmi ceux que je connaissais avant. Il ne fallait pas que l’on sache que tu étais sa fille, parce que de vilaines créatures auraient pu te faire du mal mais aussi, auraient pu lui en faire, à lui, à travers toi. Même lui ne pouvait pas le savoir …
Je n’ai pas eu le choix … Je le regrette, tu sais. Je le regrette tellement.
Tant de choses auraient pu être différentes si je n’avais pas agi de la sorte … »

Zerine resta silencieuse, mâchouillant pensivement sa brindille. Cybella respecta son silence, attendant qu’elle parle à nouveau … ce qui ne tardât toutefois pas trop.

- « Tu étais quoi ? »
- « A ce moment-là, j’étais une succube … »
- « Comme moi. »
- « Non, pas vraiment comme toi. Toi tu n’as jamais été souillée comme moi je l’ai été. Notre Père à tous a toujours veillé sur toi. »
- « Ah … »
- « Oui, et puis le sang de ton papa, qui coule dans tes veines, t’a aussi protégée. Tu n’as jamais été aussi « sale » que moi et tu ne le seras jamais. »

- « Ze suis fatiguée … » Zerine s’étira et bailla …
- « Nous allons passer la nuit là-bas, sous cet arbre, et demain, nous nous mettront doucement en route, tu veux ? »

Elle se contenta de hocher la tête pendant que sa maman l’emmenait jusqu’au gros arbre. Cybella s’assit, le dos contre le tronc, la petite hésita un instant, puis vint s’allonger contre elle, posant la tête sur les genoux de sa maman.
Cybella écarta doucement son long manteau et en recouvrit la petite. Elle resta ainsi toute la nuit, caressant les longs cheveux blonds ou la peau douce et fine de sa fille, la regardant comme elle n’avait jamais su le faire et ressentant au fil des heures une sorte de paix l’envahir doucement à son contact, comme ça lui arrivait avec son père …
Elle passa un doigt léger le long de sa petite joue, dessinant la courbe de son menton et suivant le contour de ses lèvres. Elle avait déjà pu apprécier le bleu pur de son regard si semblable à celui de l’Archange et maintenant, sous la caresse de ses doigts, elle retrouvait chaque courbes, chaque petites fossettes toutes pareilles à celles de celui qu’elle aimait tant encore.
L’image de Zeratul se substitua à celle de son enfant, se superposant l’une et l’autre, elle lui ressemblait tant.
Zeratul … Une larme coula le long de sa joue. Ce qu’il pouvait lui manquer … Elle laissa alors son esprit s’envoler vers son aimé, l’entendrait-il encore ? Lui était-elle encore un peu proche ? Elle se sentait si seule sans lui …



Cybella posa un regard paisible sur l’enfant qui passait un doigt délicat sur les lettres tracées par la plume de son père sur le parchemin.
Elles avaient toutes deux parlé de plein de choses depuis qu’elles étaient ensemble mais Zerine n’avait jamais semblé vouloir revenir sur ce qu’il lui était arrivé avant qu’ils ne la retrouvent, un peu comme si sa vie avait seulement commencé à leurs retrouvailles. Cybella respecta cela, ne la forçant pas à revivre des souvenirs qu’elle voulait peut-être oublier, et sachant aussi que son changement avait sans doute effacé de sa mémoire certaines choses qu’il fallait mieux ne pas réveiller.

Une chose en tout cas était claire pour elle, sa fille vouait une véritable adoration à son père. Cela s’entendait dans la façon dont elle parlait de lui et aussi, à cet instant même, au regard lumineux qu’elle posait sur le précieux message.
Son cœur se serra à nouveau, comment pourrait-il en être autrement ? Elle-même n’était-elle pas aussi attachée à lui au-delà de toute raison ? Et bientôt elle le reverrait … elle lui parlerait, le regarderait …
Une larme coula lentement sur sa joue … Comment allait-il l’accueillir après la manière dont ils s’étaient quitter ?

- « Tu es triste ? Pourquoi tu pleures ? »

La voix de l’enfant la fit sursauter. Elle essuya rapidement sa joue et lui sourit.

- « Ce n’est rien … C’est parce que je … je vais revoir ton papa … »
- « Moi aussi ze suis contente. »

Cybella se leva, resserra soigneusement son manteau autour d’elle et tendit la main vers la petite chérubine.
Cette dernière se leva à son tour, glissa la précieuse lettre dans son sac et prit la main de sa mère.